Sous une couverture d’un classicisme hors sujet, se cache un contenu tout ce qu’il y a de plus iconoclaste. S’il y a bien de la fantasy ici, ce n’est que l’un des nombreux ingrédients qui compose la savoureuse recette de Féerie pour les Ténèbres, entre le thriller, le steampunk et le fantastique horrifique, sans oublier la pointe de folie douce qui relève le tout. Mais qu’attendre d’autre de la part d’un auteur qui ose l’imagination fantasmatique d’un Brussolo, la volubilité fertile d’un Céline et le délire caustique d’un Vian ?
Donner un aperçu significatif d’un livre au contenu aussi dense est illusoire. Imaginez seulement un royaume médiéval-sarcastique à la géographie aussi torturée que la psychologie de ses autochtones. Au sud, il y a le comté d’Ando et ses féeurs qui à trop vertiger dans l’En-Dessous en viennent à mettre à jour d’effroyables secrets. Au nord, dominant Lulle, son téléphérique et ses pistes de skis où viennent se briser les os les vacanciers, se dresse le pic Zimiech où l’on peut admirer le panorama et les centiloges, d’étranges comètes géométriques qui répandent des parfums de fleurs. Du côté ouest, c’est Vicerince, une cité côtière qui prospère grâce à la pèche du fichoiro, ce poisson glu qu’on ne trouve que dans la mer Clapotante, et grâce son aqueduc qui spolie l’eau potable de Sponlieux, l’île où l’on patauge. Si on revient vers le centre, il ne faut pas rater Bobancié, remarquable moins par sa collégiale Sainte-Cadacace-la-sept-fois-pestiférée que par ses granges à l’abandon qui laissent échapper de l’ergot de blé psychotrope au moindre coup de vent. À quelques minutes à vol de centiloge, et pas beaucoup plus si vous tentez votre chance avec le train, il y a Caquehan, la capitale où depuis son premier palais, qui recèle courtisans buveurs de Martini et méandres topographiques à rendre fou Euclide, Orbarin Oraprim, le mi-roi mi-charcutier, doit surveiller les complots et l’avancée de la Technole, cette inclusion envahissante des déchets d’une réalité future qui fait la joie des rebuteux, des lutins et des progressistes. Enfin, dissimulé aux yeux du commun des mortels, s’étend l’En-Dessous obscur domaine des entiers, des émiettés, des esmoignés, des ossifiés et des fraselés, primesautiers rioteux descendant des humains autrefois charcutés par Chincheface, l’empereur-chirurgien.
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