Le 4 juillet, l'informateur Didier Reynders (MR) a clos sa mission et remis au roi un rapport intitulé "Développer, rassembler, protéger". Le lendemain, le chef de l'Etat a demandé à l'ancien premier ministre Jean-Luc Dehaene (CD&V) de jouer les médiateurs avant des négociations qui s'annonçaient très compliquées. Après divers contacts, en particulier avec un cdH très réticent, il a conclu que la voie était ouverte pour la constitution d'une majorité orange bleue. La mission s'est toutefois achevée de manière précipitée le 15 juillet. M. Dehaene a remis son tablier. Il n'aurait guère apprécié qu'Yves Leterme (CD&V), recordman des voix de préférence en Flandre, ait commencé à négocier "dans son dos".
Le même jour, l'ancien ministre-président flamand a été désigné comme formateur. Dès le début, les choses se sont mal engagées. Le 21 juillet, interrogé par la RTBF sur sa connaissance de la Brabançonne, il a entonné La Marseillaise. L'affaire a fait grand bruit et les explications de l'intéressé n'ont guère convaincu. Le 22, M. Leterme a remis sa note, destinée à servir de base à la formation d'un nouveau gouvernement. Les critiques ont fusé: le document est jugé insuffisant et "trop CD&V/N-VA".
Deux jours plus tard, les négociations ont pourtant commencé, sans aboutir à rien de très concret. Budget, arrondissement judiciaire de Bruxelles-Hal-Vilvorde, réforme fiscale, augmentation des allocations sociales, etc. Les sujets de discorde n'ont pas manqué entre les partenaires et le seul accord engrangé concerne le nucléaire: certaines centrales seront maintenues en vie, contrairement à ce que prévoyait une loi de 2003.
Le volet communautaire est apparu le plus ardu, et même insoluble. Le formateur a multiplié les contacts officieux et les réunions bilatérales mais sa méthode est apparue comme très confuse et erratique. L'affaire s'est corsée lorsque le 14 août, le CD&V/N-VA et l'Open Vld ont remis oralement la liste de leurs revendications. Bon nombre de points ont été jugés inacceptables par le cdH et le MR. Et, deux jours plus tard, lorsque ceux-ci ont remis leurs contre-revendications, les partis flamands n'ont guère été plus tendres: pas sérieux, ont-ils lancé.
Le 19 août, face à l'impasse qui se dessinait, le formateur a demandé au roi de suspendre les négociations. Le chef de l'Etat a reçu les présidents des délégations qui négocient l'orange bleue et demandé à M. Leterme de poursuivre des consultations politiques. La remise d'un "schéma" destiné à relancer les négociations a été annoncée. Il a été au coeur d'une réunion très tendue mercredi entre les chefs des délégations et le formateur. Les discussions ont duré jusqu'à 4 heures, sans qu'un accord ait pu être engrangé.
Toutes les difficultés se sont cristallisées autour de la façon d'entrevoir une réforme de l'Etat, voulue par les seuls Flamands. Le cdH, et sa présidente Joëlle Milquet, sont apparus comme les hérauts du "non" francophone. Cette dernière n'a cessé de répéter que la coalition en gestation ne disposait pas de la majorité des deux tiers au parlement. Elle n'entendait donc pas s'engager dans un accord avant la formation du gouvernement, sachant qu'une deuxième négociation devrait s'ouvrir après pour parvenir à mettre en oeuvre un hypothétique accord.
Les tensions entre Flamands et francophones n'en ont été que plus fortes. Elles sont aussi redevenues de plus en plus visibles entre le cdH et le MR. Le second juge en effet qu'il est dangereux de refuser toute discussion sur les deux tiers et a rappelé que des points ne requérant qu'une majorité simple pouvaient être tout aussi néfastes pour les francophones (BHV et SNCB).
Jeudi matin, pourtant, dans un entretien, le président du FDF, Olivier Maingain a semblé prendre ses distances avec le président du MR, Didier Reynders, et se rapprocher du point de vue de Mme Milquet. Septante-quatre jours après les élections, l'horizon est toujours bouché. La position d'Yves Leterme apparaît de plus en plus fragile. Les critiques sur sa façon de travailler n'ont pas manqué. Récemment, un responsable politique francophone lançait, cinglant: "Il voulait être un grand Dehaene; il n'est même pas un mauvais Martens". (belga)