Créateur et producteur de la série Masters of Horror, Mick Garris est également réalisateur de deux des épisodes. Une série qui a lancé le pari fou de laisser les réalisateurs des 13 épisodes que comportent chaque saison, totalement libres. John Carpenter, John Landis, Tobe Hooper, Dario Argento, ... les plus grands noms s'y sont associés. A l'occasion de la sortie de la saison 2 en France le 28 Août, nous avons interviewé Mick Garris lors de son déplacement en Europe.
Quels étaient les enjeux et risques avec la seconde saison ?
Toute la série est risquée... Nous étions déjà surpris d'obtenir le feu vert sur un projet où on ne demandait aucune censure ! Le seul épisode de la première saison vraiment controversé était Vote ou Crève (Homecoming) de Joe Dante à cause de son sujet politique. Ca a attiré l'attention sur la série mais surtout ça a surpris les autres réalisateurs de la première saison qui ne pensaient pas avoir le droit d'aller aussi loin ! La seconde saison est donc celle où ils se sont lâchés, celle où l'horreur fait le plus passer des messages. Les réalisateurs venaient de comprendre à quel point ils avaient carte blanche : tous les risques de cette seconde saison sont là.
Comment avez-vous choisi les réalisateurs de la saison 2 ?
La plupart proviennent de la saison 1, les plus connus. J'avais contacté d'autres réalisateurs prestigieux pour cette seconde saison, mais leurs emplois du temps surchargés ne collaient pas à celui de la série. C'est toujours difficile : il faut qu'ils soient disponibles exactement au moment où nous tournerons un épisode, et comme nous les enchaînons les uns après les autres... Pour accompagner ceux qui ont survécu à la saison 1, j'ai donc opté pour de jeunes réalisateurs de films d'horreur, dont au moins un film avait marqué les esprits. Vous ne connaissez sans doute pas le nom de Ernest Dickerson, mais son travail à la télévision est très connu !
Dans chaque saison, les épisodes sont réalisés avec le même budget. Mais celui-ci a-t-il augmenté de la saison 1 à la saison 2 ?
Pas du tout, il est resté le même. Normalement lorsqu'une série a du succès, son budget augmente à la saison 2. Mais Masters of Horror est produit par une petite société indépendante de DVD, nous ne pouvions pas nous permettre plus. Dans la troisième saison, le budget sera à nouveau le même.
Vous intervenez sur le tournage des épisodes ?
Seulement pour aider. J'aide sur le scénario, sur le tournage, pour garantir que les histoires et les idées des réalisateurs ne souffrent pas du rythme de tournage qui est assez intense. Nous tournons un épisode en 15 jours pour ensuite enchaîner sur le suivant et ainsi de suite ! Mais en même temps, si je donne souvent mon avis sur un scénario ou sur un montage, c'est toujours le réalisateur qui a le dernier mot. Je suis là pour aider, pour discuter, pas pour brider. Je ne vais sûrement pas expliquer à John Carpenter comment faire un film d'horreur ! (rires)
Rencontrez-vous des problèmes avec la censure ?
Quasiment pas. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle ces réalisateurs s'impliquent dans cette série : ils n'ont jamais été aussi libres. La chaîne Showtime avait néanmoins imposé des règles avant la saison 1 : aucun adulte ne doit tuer d'enfants, aucun homme nu vu frontalement, etc... Mais en fait si on incluait quand même ces éléments et que ça se justifiait de par l'histoire, c'était négociable. Le seul réel problème de censure que nous avons eu sur la saison 1 est la non-diffusion de l'épisode de Takashi Miike, beaucoup trop intense pour Showtime ! Mais à leur crédit, ils ne nous ont pas sorti un chantage du style "Si vous coupez ça, ça et ça, on diffuse l'épisode". Ils ont été très honnêtes en nous expliquant que l'épisode était trop dur pour passer à la télévision mais qu'en revanche il serait intact en DVD. Ils étaient tout à fait dans leur droit.
Quelle a été votre réaction en découvrant l'épisode de Takashi Miike ?
Dès le scénario, nous savions que son épisode serait plus intense que la moyenne... Mais nous avons continué comme si de rien n'était, car nous avions confiance en son talent. J'ai assisté au tournage où j'ai encore plus compris à quel point le ton de l'épisode serait difficile, mais je lui ai laissé toute sa liberté. En découvrant le résultat final, nous avons réalisé que c'était encore plus dérangeant que nous l'imaginions. Nous l'avons tout de même présenté tel quel à la chaîne, qui l'a refusé. Et je peux parfaitement comprendre leur décision. Pour être tout à fait honnête, cet épisode me dérange beaucoup en tant que spectateur, mais je reconnais aussi qu'il est extrêmement brillant. L'essentiel est qu'il soit resté intact : il est sorti en DVD tel quel, il a été diffusé à la télévision en Angleterre et en Australie, et il est même sorti au cinéma au Japon. Mais ça a fait grincer pas mal de dents (rires).
Vos deux épisodes en tant que réalisateur tournent autour d'histoire d'amour. Pourquoi ?
Je voulais faire quelque chose de différent. J'ai écrit le premier, Chocolat, il y a une vingtaine d'années. C'est une histoire assez personnelle, qui puise ses origines dans ma jeunesse. Je venais de tomber amoureux de celle qui est ma femme aujourd'hui et au même moment je faisais ce rêve récurrent et très réaliste où je ressentais ce que cela faisait de tuer quelqu'un. Ce n'est pas moi qui commettait le crime dans mon rêve, mais vous savez comment se déroulent les plus intenses d'entre eux : vous ressentez tout comme si vous le viviez ! C'était une sensation très forte, repoussante heureusement. Et c'est là d'où est né l'histoire de Chocolat.
Pour le second, c'est une histoire écrite par Clive Barker. Il m'a fait réaliser que j'étais très attiré par les histoires de solitudes. L'amour et l'horreur sont rarement utilisés ensemble au cinéma, ça représentait donc un défi pour moi.
Sur les deux saisons, avez-vous un épisode préféré... excepté l'un des vôtres bien sûr ?
(rires) Je ne choisirais jamais les miens ! Vote ou Crève compte beaucoup pour moi. C'est un épisode qui m'a marqué mais aussi qui a généré énormément de réactions positives à travers le monde. J'aime aussi beaucoup l'épisode de Brad Anderson, très adulte et très dérangeant. J'adore aussi Le Chat noir de Stuart Gordon, qui pour moi raconte une histoire fascinante. Et puis il y a aussi... En fait je n'arrive pas à en choisir un, c'est une question piège ! (rires)
J'ai cru comprendre que vous aviez eu du mal à monter la saison 3, à cause de désaccords avec un des producteurs. Qu'en est-il aujourd'hui ?
Le problème est réglé, nous sommes actuellement en train de finir les accords avec la production et la chaîne. Aucun scénario n'est écrit, aucun réalisateur n'est choisi. J'ai écrit une première version d'un épisode il y a quelques mois, espérant alors que la saison 3 voit le jour. Mais heureusement le succès des deux premières saisons a attiré l'intérêt de nombreux réalisateurs. Elle sera beaucoup plus forte, nous passons à la vitesse supérieure, et je veux également amener encore plus de réalisateurs non-américains à y participer. Alexandre Aja, William Friedkin, Neil Marshall, David Cronenberg, Guillermo Del Toro, Eli Roth, ... tous ont donné leur accord de principe pour réaliser un épisode. Après, tout dépendra de leurs emplois du temps. Mais j'espère bien que quelques uns parmi cette liste participeront à la troisième saison. On verra bien...
Et vous savez déjà quels réalisateurs de la première et la seconde saison reviendront pour la troisième ?
Tout dépend de leurs emplois du temps encore une fois ! Mais je sais que John Landis, John Carpenter, Tobe Hooper et Stuart Gordon ont encore envie de réaliser un épisode. J'en réaliserais sans doute moi-même un. (rires) C'est mon jouet...
Quel film d'horreur avez-vous vu récemment qui vous a plu ?
J'ai vu Hostel Chapitre 2. Celui-ci est beaucoup plus intense et contient moins de l'humour que j'adorais dans le premier. Le style de Eli Roth m'impressionne et je trouve fascinant de le voir le faire évoluer à travers ses films...
Et quels films en dehors des films d'horreur avez-vous vu récemment et vous a plu ?
J'aime tous les genre de films, je vais souvent au cinéma. Récemment j'ai aimé... Euh... En fait c'est difficile de répondre car cette année nous ne sommes pas vraiment gâtés ! (rires) Ah si, je ne sais pas si vous avez vu En Cloque, mode d'emploi, mais c'est à mourir de rire ! J'ai aussi adoré Borat. Et pourtant il n'y a pas beaucoup de comédies qui me font rire dernièrement. Il y a aussi Sicko de Michael Moore, qui est vraiment l'un des meilleurs films que j'ai vu ces dernières années.
Et en DVD, quelles sont vos découvertes ?
Je vois surtout les films au cinéma, peu en DVD. Mais j'ai quand même découvert récemment Red Rock West, de John Dahl. Une vraie révélation ! Je suis devenu un fan de ce réalisateur...
Et si vous deviez amener un seul DVD sur une île déserte ?
L'édition Criterion de Videodrome. Le film est incroyable et cet éditeur aussi. Mais j'hésiterais quand même avec leur coffret Preston Sturges....
source:dvdrama