A Scene at the Sea (1991 - Takeshi KITANO)
Au cours des années nonante, le cinéma de Takeshi Kitano a atteint son apogée et a propulsé le cinéaste au rang des plus grands metteurs en scène Japonais de l’histoire, derrière Kurosawa, bien entendu.
A SCENE AT THE SEA, sorti en 1991, n’est que son troisième long-métrage mais il s’impose d’emblée comme une œuvre majeure de son auteur, voire même son chef-d’œuvre absolu, touché par la grâce de sa sensibilité unique, si chère au réalisateur, sensibilité qui nous conduira tout au long du film à travers la vie de ses héros principaux.
Shigeru est sourd et muet, tout comme sa petite amie pour laquelle il lui dévoue tout son amour, vivant chacun leur handicap comme un lien affectif que rien ne peut séparer ni briser. En trouvant une planche de surf après avoir dégagé les poubelles, il décide de répondre présent au bruit des vagues, à l’appel silencieux de l’océan et se trouvera une nouvelle passion.
Les autres protagonistes sont assez bavards mais on pourrait considérer l’œuvre de Kitano comme un film muet, dont l’intérêt passe par la beauté de la simplicité des situations face auxquelles nos tourtereaux sont confrontés.
Kitano joue énormément sur les regards et les expressions de ses protagonistes, leur donnant une force émotionnelle qui ne faiblit jamais, surtout quand la petite amie de Shigeru encourage l’amour de sa vie à vivre sa passion et sa fascination pour le surf, mais surtout pour la mer. Le réalisateur nous montre surtout deux personnes qui, habitués à vivre dans leur petit monde exigu, se tournent enfin vers l’immensité de la mer afin d’explorer de nouveaux horizons inconnus jusqu’à présent, pour s’ouvrir au monde.
Les acteurs principaux livrent ici des prestations sobres mais sublimes, toutes en retenue, n’en faisant jamais trop, confirmant également que Kitano n’est pas qu’un génie de la mise en scène et un technicien hors paire, mais qu’il possède aussi un don extraordinaire pour la direction d’acteurs.
Peu de dialogues, juste des plans d’une beauté implacable donnant du corps à une histoire d’amour simple mais sublime, au service d’un film calme, contemplatif et d’une sincérité que Kitano n’a malheureusement plus retrouvée depuis.
Un pur chef-d’œuvre !
Thank You For Smoking (2007 - Jason REITMAN)
Qui aurait pu penser qu’un autre cinéaste Américain que Michael Mann allait parler des lobbys du tabac en dénonçant leur marché ? A vrai dire, personne, et encore moins sur le ton de la comédie. Fils d’Ivan, Jason Reitman se lance donc dans ce projet casse-gueule auquel aucun autre réalisateur n’osait s’attaquer, par peur de déclencher une controverse supplémentaire au pays de l’Oncle Sam.
Peur aussi de voir le politiquement correct et la morale remporter la partie, surtout sur un sujet aussi tabou, difficilement défendable et brûlant que celui de la cigarette. On a aussi l’angoisse de se trouver devant un pamphlet anti-clope moraliste du genre : « le tabac, ça tue, ne fumez pas ! » alors que finalement, on est devant un film non manichéen, sarcastique, parfois immoral mais tellement bon qu’on ne peut s’empêcher de rire.
Force est de constater que Reitman a fait fort en ne rendant jamais son film ennuyeux et pour cause, c’est une comédie. Le héros principal est un lobbyiste qui défend son produit, vante ses mérites et ne va pas avec le dos de la cuillère avec les gens qu’il rencontre. Entre l’adolescent atteint de la leucémie à qui il conseille de fumer ou encore Marlboro-Man, à qui il tente de convaincre de se taire en échange de pots de vin, le personnage provoque chez le spectateur un double sentiment : attirance et répulsion, comme le marchand d’armes incarné par Nicolas Cage dans « Lord of War ».
C’est donc avec cet humour noir que THANK YOU FOR SMOKING (le titre en dit long sur le ton utilisé dans le film) et un plaisir purement et simplement jubilatoire. Aaron Eckhart est génial en lobbyiste peu scrupuleux, Rob Lowe étonnant en producteur fan du Japon complètement taré, sans oublier un Robert Duvall un peu affaibli en gros bonnet du tabac, ainsi que Katie Holmes en journaliste nymphomane.
En gros, cette comédie n’est pas un film anti-tabac, il dresse plutôt un portrait humoristique des fumeurs avec beaucoup de respect, et cette démarche est à saluer.
Malheureusement, sa durée beaucoup trop courte empêche à cette très bonne comédie d’être un plaisir total, en donnant l’impression qu’elle fut légèrement bâclée.